Rencontre avec le créateur de la Vanguard, François-Xavier Terny

Il y a quelques semaines nous vous présentions une nouvelle moto la Vanguard, tout droit sortie d’un entrepôt de Brooklyn. Cette moto a suscité notre curiosité, d’abord parce qu’elle est un peu française de part l’un de ses créateurs. Ensuite parce qu’au moment -ou presque- où l’on apprenait la naissance de cette nouvelle marque, on déplorait la mort du constructeur Victory. Enfin parce que dans le marasme actuel où de côté-ci de l’Atlantique la chasse à la moto est ouverte par les officines municipales, nous trouvions très courageux, pour ne pas dire « fou » de se lancer dans une telle aventure. Ne pouvant nous-même faire le déplacement jusqu’à New York City, nous avons profité d’un passage en France de François-Xavier Terny, le co-fondateur de Vanguard pour en savoir plus sur cette entreprise. A l’américaine, il a répondu à notre humble invitation avec le même enthousiasme que pour un rendez-vous avec une presse moto ou une télévision économique et nous l’en remercions.

François Xavier Terny arrive au rendez-vous dans un café du XVe à Paris en BMW K1200. C’est la moto qu’il avait avant de s’installer à NY et de créer la sienne. Il l’utilise pour sauter de rendez-vous en rendez-vous à chaque fois qu’il vient en France. Mais dès qu’il pourra, il roulera en Vanguard, même à Paris.

Quand on est Français comment on en arrive à créer une marque de moto aux États-Unis ?

FX : J’avais une boîte de consulting, spécialisée dans l’optimisation industrielle en France. Je l’ai vendu et c’est ma femme, américaine, qui m’a emmené à NY en 2009.

J’aimais déjà la moto mais ça ne suffit pas, il a fallu une rencontre. Une autre. J’ai fait la rencontre de Edward Jacobs, qui était designer chez Confederate (ndlr : constructeur de moto de luxe aux USA), une société dans laquelle j’avais un peu investi. Mais je me suis rendu compte que le marché de la moto de luxe est une sorte de chimère, ça n’existe pas vraiment. Tout le monde est en train de se battre mais il n’y pas de marché. Je n’avais pas fait un bon investissement financier mais j’avais fait une belle rencontre « technique » avec ce designer de talent un peu sous-exploité.

Les années ont passé et Ed, après avoir monté un cabinet de design, a voulu repartir dans la moto. Il est venu me voir en m’expliquant qu’entre ses compétences en matière de design et d’ingénierie et les miennes dans le business, la distribution, l’entreprenariat cela serait bien de faire une marque ensemble. Je lui ai vite répondu que j’avais déjà perdu beaucoup de temps et d’argent avec la moto… Il a insisté en me demandant ce qui ferait que ça marcherait. Et pour moi il y avait 2 critères essentiels :

D’abord il fallait apporter quelque chose de neuf, d’original sur le marché, en terme de technique et de visuel. Il ne fallait pas qu’on se dise « tiens encore une Ducat’, encore une Harley », vraiment quelque chose d’originale mais qui reste dans les limites de l’acceptation. Si c’est pour faire quelque chose de complètement fou, tout le monde dit « c’est vachement bien » mais personne ne veut l’approcher.

Et de l’autre côté il fallait que dès le départ, nous ayons une vision industrielle. Un produit industrialisable en terme de coût, de qualité, de fabrication et pas quelque chose d’artisanal qui ne pourrait être fabriqué qu’à l’unité par des ouvriers ultra-spécialisés.

Pour moi ça n’existait pas. Ed m’a proposé les premiers designs. Et moi de mon côté j’ai commencé à travailler dessus et à l’arrivée je me suis dit, il y a quelque chose.

On est en 2013… On trouve un local au Brooklyn Navy Yard, on le rénove. En 2014, ça a été tout l’aspect concept. 2015, ça a été tout le côté ingénierie. 2016 a été consacré à la fabrication du prototype. On l’a montré pour la première fois le 30 juin 2016 à nos « friends & family », puis à des investisseurs, jusqu’au moment où on a révélé la marque le 9 décembre au Motorcycle Show de NY. Et là on a pris une trentaine de pré-commande donc un très bon accueil. Mais la route est longue.

Il y a encore beaucoup de travail d’optimisation, d’amélioration et de fiabilisation. On a encore 18 mois de travail avant d’avoir quelque chose de calé pour de la production. On s’adresse à un segment premium mais c’est pas de l’artisanat. Les gens vont nous comparer à des Harleys, il faut qu’on soit au point pour fabriquer les 200 Roadsters dès la première année.

Ensuite on déclinera les modèles. On présentera les dessins du Cruiser cette année et le proto en 2018. Pour le Café-Racer, on montrera les dessins en 2018 et le proto en 2019.

Et ce qui est arrivé à Victory Motorcycle ne vous fait pas peur ? 

FX : Polaris (ndlr : propriétaire de Victory) a fait un choix rationnel. Ils possèdent aussi la marque Indian qui avait le vent dans le dos. Ils ont arrêté Victory qui étaient en difficulté depuis des années.  Pour Vanguard c’est plutôt bon signe car les gens qui voulaient acheter une Victory, ne voulaient pas une Harley justement mais plutôt une moto moderne, contemporaine qui reste américaine. Harley et Indian sont à fond sur le Vintage. Qu’est-ce qu’il leur reste maintenant ? C’est une chance pour nous. Ça veut dire qu’il y a toute une frange de la population américaine qui se retrouvait dans un produit américain moderne, contemporain et maintenant ils n’ont plus rien. Certains vont aller vers Indian ou Harley mais à mon avis pas beaucoup. Je pense que les grands gagnants de cette opération vont être des marques européennes comme BMW ou Ducati et j’espère que Vanguard saura tirer son épingle du jeu. Ils nous trouveront comme la nouvelle marque américaine contemporaine. Si tu veux quelque chose de moderne, un peu neuf mais quand même américain avec un gros V-Twin, avec les codes américains. Il n’y a plus que nous.

Niveau technologie, c’est quoi la différence ? 

FX : La Vanguard dans sa conception est très épurée. Il y a presque moitié moins de pièce que sur une moto classique. C’est aussi ça l’optimisation. Ed essaie de faire en sorte que chaque pièce ait une fonction technique mais aussi participe à une fonction esthétique. On ne voit pas de fils ou de durites ni l’échappement.

Côté moteur, il y a 2 grands fabricants qui ne sont pas estampillés d’une marque dans le monde. Rotax en Autriche qui appartient à Bombardier et S&S dans le Wisconsin qui travaille sur des moteurs de performance. Nous on a choisi l’américain forcément. Et on a développé notre moteur auto-portant à partir d’un moteur existant, le X-Wedge, qu’on a modifié et qui sert de cadre. 1900cm3, un gros volume typique des grosses cylindrées américaines. Enormément de couple mais pas forcément beaucoup de puissance, mais sur les 250 kg ça envoie. Elle pourra monter théoriquement jusqu’à 240km/h mais elle n’est pas faite pour ça. C’est une moto formidable à conduire entre 0 et 130km/h, c’est pas une moto de course.

FX : Mais quand tu la vois en vrai. L’impact visuel qu’elle a c’est juste du délire. Tu vois que ce n’est pas une moto habituelle.

On veut utiliser des technos existantes de manière « smart ». Quand tu es à moto tu as vraiment besoin de contrôler  ton environnement. On s’est dit que ce serait simple de mettre une caméra à l’arrière pour voir ce qui se passe, ça donne un angle de vue en plus des rétroviseurs. De toute manière la loi rend les rétroviseurs obligatoires,  1 aux Etats-Unis, 2 en Europe. Donc la Vanguard aura aussi des rétro en bout de guidon. Mais faire un « Dashboard » entièrement digital, ça nous parait être le sens de l’histoire. Tout le monde connait les tablettes. On met toutes les infos en digital. Ca fait un tableau de bord vachement sympa.

On fait pas un saut technologique quantique. C’est juste le progrès.

 

En France on connait les Midual et Avinton mais on n’en voit pas rouler. La Vanguard, elle est faite pour rouler ou pour décorer un salon ? 

FX : On est sur du premium mais ça reste correct en terme de prix. On est au niveau du haut de gamme de Harley.

La moto aux US, c’est très différent de la moto en Europe car c’est à 98% un loisir, c’est jamais un utilitaire. Il n’y a personne qui a besoin d’une moto contrairement à Paris. La moto est strictement « récréationnelle », c’est le truc qu’on sort quand on veut se faire plaisir. Certains vont rechercher la performance et aller sur circuit. D’autres vont rechercher le voyage au long cours et traverser les Etats-Unis dans de grosse Harley. Ou encore d’autres vont rechercher le « Lifestyle », une moto sympa pour faire quelques kilomètres, aller au bar ou faire une petite balade entre copains. Et nous on est plutôt dans ce segment là. Il y a beaucoup de club de moto, même sur la côte Est même si, en raison du temps, il y en a moins que sur la côte Ouest. La Vanguard on l’a verra beaucoup le week-end en banlieue de New York.

Vu de Paris, ça fait plaisir de voir qu’il y encore des gens qui croient en la moto, aux gros moteurs et au plaisir…

FX : C’est sûr que à NY on n’est pas embêté par la pollution comme on est en bord de mer, les vents poussent tout. Sur la conso, on va être à 9-10 l/100. Ce genre de moteur ça bouffe par construction. En plus comme il y a beaucoup de couple, on tire sans arrêt dessus tellement c’est agréable.

Mais c’est sûr que à échéance 20 ans, je pense que les moteurs à explosion seront une relique. Après  je suis le premier à penser que tous les mecs en scooter qui pullulent à Paris devraient être en scooter électrique. Et d’un autre côté il y aura toujours des V8 même s’ils sont déjà marginaux. L’enjeu ce n’est pas de supprimer les V12, c’est de passer toutes les bagnoles de fonction, les utilitaires, les taxis en électrique. Et on a de la chance, les voitures électriques, comme Tesla, restent très agréables à conduire.

Harley avec la Livewire, il leur faudra encore 5-7 ans pour que les premiers modèles soient viables

Le jour où tu as une moto électrique qui se recharge en 20 minutes, fait 200 bornes et coûtent moins de 15000€, là plus personne prendra une moto à explosion. La techno va progresser. C’est le sens de l’histoire.

Vanguard, ça veut dire « à l’avant-garde », c’est une plateforme ouverte où on va pouvoir travailler sur toutes les nouvelles idées de design et d’ingénierie liées à la moto. Nous ne sommes pas liés à une marque ancienne ni à un héritage. On est là pour donner des idées nouvelles, créer des choses nouvelles. S’il y a des opportunités dans l’électrique, on fera de l’électrique. Si quelque chose se développe dans l’hybride, on fera de l’hybride. Ça peut être pas mal l’hybride. On est toujours à l’affût des nouvelles tendances.

 

Vanguard est en plein développement et vous lirez sur le Motomaton toutes les avancées. Et si vous vous intéressez à cette entreprise, sachez qu’il est possible de participer à l’aventure.

Chacun peu acheter des parts de la société à partir de 104$. On ne sait jamais peut-être que Vanguard aura le même succès que Apple en son temps ou Tesla maintenant et fera de vous des millionnaires…

Mais si vous n’êtes pas très porté sur l’investissement financier et que l’aventure vous séduit, Vanguard recherche aussi un builder/rider. Un mec de custom, un préparateur qui sait fabriquer les motos et qui saura trouvé tous les faiblesses du prototype et apporter les solutions pour l’optimiser.

Et enfin, si vous êtes juste de passage à New York, Vanguard recherche aussi des « Test Riders » d’un jour. Inscrivez-vous pour gagner la possibilité de faire un petit galop d’essai sur cette moto de demain.

 

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